Logique ancienne et nouvelle J. Clauberg présentation, traduction et notes par Jacqueline Lagrée et Guillaume Coqui

Résumé

Ecrite juste après la mort de Descartes, la Logica Vetus et Nova de Johannes Clauberg (1622-1665) s'offre comme la première des " logiques cartésiennes " dont la plus célèbre reste la Logique dite de Port-Royal, qui s'en inspire d'ailleurs sur quelques points. Saluée par son époque comme la logique que Descartes n'avait pas écrite, cet ouvrage ne se limite cependant pas à bâtir une théorie de la connaissance articulée autour de l'idée et de l'exigence de clarté et de distinction : dans la ligne des " herméneutiques " qui commencent à s'écrire dans la première moitié du XVIIe siècle, il propose, dans ses parties centrales, un véritable art d'écrire et de lire, et les linéaments d'une théorie de la juste interprétation. Traduit ici, pour la première fois, en français, cet ouvrage doit permettre de renouveler notre connaissance du premier cartésianisme, ainsi que de la philosophie dite néo-scolastique, à l'époque où elle se laisse féconder par les idées de Descartes.

Auteur :
Clauberg, Johann (1622-1665)
Editeur scientifique :
Lagrée, Jacqueline ; Coqui, Guillaume
Éditeur :
Paris, J. Vrin,
Collection :
Bibliothèque des textes philosophiques
Genre :
Essai
Langue :
français.
Note :
Bibliogr. p. 17. Index
Mots-clés :
Nom commun :
Logique -- 17e siècle
Description du livre original :
1 vol. (318 p.) ; 22 cm
ISBN :
9782711619184.
Domaine public :
Non
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Table des matières

  • Préface
    • Histoire du texte et note sur la traduction
    • Indications bibliographiques
  • Jean Clauberg. Logique ancienne et nouvelle
    • Préface au lecteur
    • Salut au lecteur
    • À Tobie d’André
    • Proème
    • Prolégomènes de la logique
      • Chapitre premier. Le futur logicien et philosophe doit rechercher l’origine et les causes des erreurs et des imperfections de l’esprit humain dans la connaissance.
      • Chapitre II. L’origine première de nos erreurs et la cause principale des infirmités de notre esprit, ce sont les préjugés de l’enfance.
      • Chapitre III. Les erreurs de l’enfance rejaillissent sur tout le reste de la vie humaine et sont immédiatement confirmées et aggravées par de nouvelles erreurs.
      • Chapitre IV. Les causes des erreurs ne se trouvent pas seulement dans l’homme considéré isolément ; mais, dans la vie sociale, en raison de la conversation des uns avec les autres, la raison humaine est habituellement corrompue de diverses manières pendant presque toute la vie.
      • Chapitre V. La nécessité et l’utilité de l’art de la logique s’illustre de multiples façons de ce qui précède
      • Chapitre VI. Ceci permet de comprendre que la logique complète et achevée est quadripartite ; les deux premières parties sont génétiques, les dernières analytiques.
    • Logique. Première partie. Enseignant la manière correcte de former ses pensées dans la perception des choses, le jugement que l’on fait d’elles, et leur rétention dans la mémoire
      • Chapitre premier. Celui qui veut user droitement de sa raison notera tout d’abord les différences des choses à connaître ainsi que de la connaissance elle -même, puis se sondera lui-même comme connaissant, quant à son âge et à son intelligence (ingenium).
      • Chapitre II. Ensuite, et c’est de la plus haute importance, il adoptera une droite manière de connaître, autrement dit une Méthode facile, brève et sûre, c’est-à-dire accordée à la nature de l’esprit humain, complète et parfaite : l’aidant sans lui nuire en rien. C’est cette méthode qu’enseigne la Logique, dont il y a trois degrés. Le premier développe la perception claire et distincte des choses.
      • Chapitre III. Pour rendre la perception claire et distincte, il est d’abord, et au plus haut point, nécessaire d’avoir l’Attention qui convient. On la règle sur la chose à laquelle il faut être attentif, par l’unité, la beauté, la nouveauté, la présence sensible, les études Mathématiques, et l’observation du temps et du lieu propices
      • Chapitre IV. Afin que l’attention soit durable, l’entendement demande un Thème digne d’attention, qui peut être simple ou complexe. Un thème simple est une Substance ou Chose, ou un Attribut - qu’on appelle souvent Accident, Mode, ou Qualité. La Substance est soit intellectuelle, soit matérielle : l’Homme participe des deux. La substance intellectuelle est plus digne de considération que la matérielle
      • Chapitre V. Une Chose est comprise par ses attributs ; et mieux par ceux qui sont positifs, absolus, propres, que par ceux qui sont négatifs, respectifs, communs. Quels attributs sont propres et lesquels communs aux choses intellectuelles et matérielles. Combien il y a d’attributs de l’homme.
      • Chapitre VI. Les attributs les plus communs des choses sont l’essence, la perfection, l’unité, la relation de la cause efficiente et de la fin, la distinction, l’opposition, l’ordre, etc.
      • Chapitre VII. Les choses et les attributs des choses sont communément distingués en Universels et Singuliers. La science est des universels, l’expérience des singuliers. Les Universaux sont le Genre, l’Espèce, la Différence, le Propre, l’Accident, qui sont à leur tour chacun distingués ; mais ils conviennent tous en cela, qu’ils ne sont rien d’autre que diverses façons de penser à une seule et même chose.
      • Chapitre VIII. Usage des universaux dans le discernement de ce qui est essentiel et accidentel à une chose, dans la réduction des singuliers aux universels, et à l’inverse, dans la définition des choses plus obscures. La Définition consiste dans le genre et la différence, autrement dit dans un attribut commun et un propre, et, spécialement, tel qu’il soit saillant au sein des autres propriétés.
      • Chapitre IX. Pour définir, on a besoin de la Division, pour percevoir distinctement toutes choses, sans même qu’il faille pour cela que ces choses soient composées : la Division doit être adéquate, qu’elle soit primaire ou secondaire. La meilleure est celle qui se tire de la nature même de la chose, et qui contient des parties soigneusement distinguées et qui se répondent par une certaine proportion.
      • Chapitre X. Par la division, on fait plusieurs choses d’une seule ; afin de ne pas les confondre, on a besoin, pour les connaître, d’un Ordre qui nous fasse partir des plus faciles pour aller aux plus difficiles. Application plus spéciale de cette règle à la perception des simples et des composés ; dans l’exploration qui va de la première origine des choses aux compléments postérieurs de leur nature ; dans le cas de plusieurs divisions d’une même chose qui s’appuient l’une sur l’autre ; dans les singuliers et les universels, dans les causes et dans les effets, qui répandent les uns sur les autres une lumière réciproque, qu’il faut comprendre par un utile mouvement de régression. D’où vient la division de l’Ordre en Synthétique et Analytique, Universel et Particulier, Naturel et Arbitraire.
      • Chapitre XI. On s’élève de l’ordre de la perception à l’ordre et à la façon de juger, du simple au complexe, du premier degré logique au second. La règle suprême est de ne jamais juger sans perception préalable. Dictée par la raison, reconnue par tous, elle n’est cependant observée ni par les enfants, ni même par les adultes. D’où les préjugés et les erreurs ; pour s’en libérer, il convient d’instituer un examen neuf des opinions témérairement reçues auparavant, réservant l’assentiment aux seules choses connues et le refusant aux inconnues, sans pour autant rejeter l’existence de ces dernières parce qu’elles sont inconnues, ni douter des premières, au prétexte qu’elles seraient mélangées à d’autres inconnues - sans travailler enfin à rien d’autre qu’à former correctement une perception propre. Toutes choses qui doivent toujours être observées dans la connaissance, mais ne le peuvent que rarement dans l’action et la production.
      • Chapitre XII. Toutes les choses jugées ainsi ne sont pas également certaines et vraies. L’axiome contingent l’est moins, dont la certitude est morale ; l’axiome nécessaire l’est plus. Le premier degré de la nécessité appartient à l’axiome de omni, dont la certitude est physique ; le second et le troisième degré appartiennent à l’axiome par soi, et à l’axiome universellement premier. Chacun d’eux est d’une certitude métaphysique, qui dépend d’un lien manifeste, ou d’une contradiction manifeste, entre le sujet et le prédicat. On en tire illustration des universaux, quoique ces considérations aient aussi leur place dans les singuliers.
      • Chapitre XIII. Comme les choses, les axiomes sont ou universels, ou singuliers, et en cela consiste leur quantité, tandis que leur qualité consiste en affirmation et négation. Les axiomes universels, particuliers et singuliers parfois se distinguent et parfois se confondent ; ils sont cependant réciproquement subordonnés : ici, les universels aux particuliers, pour corroborer le jugement, et là, l’inverse, pour tirer les seconds des premiers.
      • Chapitre XIV. Cette collection d’un axiome à partir d’un autre s’appelle Argumentation, et elle a deux parties, qui diffèrent entre elles en ceci, que les prémisses sont plus connues et plus certaines que la conclusion ; mais conviennent en ceci, qu’elles doivent être colligées par un lien (nexus) idoine, fait de telle sorte que l’âme, dans un raisonnement progressif ou régressif, aille soit de la cause à l’effet, soit de l’effet à la cause ; soit du particulier à l’universel, soit de l’universel au particulier.
      • Chapitre XV. Pour découvrir par le raisonnement la vérité, il faut partir des <propositions> particulières. Pour colliger à partir d’elles les universels (collection nommée Induction), souvent l’examen d’une seule suffit ; souvent aussi il est besoin de toutes les énumérer. Si cela ne se peut faire, soit la conclusion vaudra de plusieurs, de telle sorte qu’y échapperont un petit nombre ; soit elle vaudra de tous, sans souffrir aucune exception, ou de ceux vis-à-vis desquels vaut une raison semblable ; raison pour laquelle il arrive qu’on infère un singulier d’un autre, type d’argumentation qui est ¿’Exemple.
      • Chapitre XVI. Mais cette application de la raison se fait grâce au Syllogisme, qui progresse de l’universel au particulier, et qui, s’il est parfait, a trois propositions, ainsi que trois termes, et appartient toujours à la première, à la seconde ou à la troisième Figure, ainsi qu’à l’un des quatorze Modes. Le fondement général est identique pour toutes les figures, mais la première en a également un qui lui est particulier, et la rend plus parfaite que les autres. On collige aisément le reste des règles du syllogisme d’après les exemples des figures et des modes.
      • Chapitre XVII. Si le syllogisme est imparfait, et ne requiert donc pas toujours de figure et de mode, il pourra être hypothétique, conduisant à l’incommode, disjonctif ; ce pourra être aussi un dilemme ou un sorite.
      • Chapitre XVIII. Les raisons concaténées en Sorite, ou, plus généralement, reliées dans toute autre argumentation un peu longue pour notre esprit, doivent être présentes en même temps à l’esprit, de telle sorte que le lien des premières aux moyennes et des moyennes aux dernières soit apparent : c’est l’office de la mémoire, qui imprime d’abord les choses, puis les retient. Elle forme le troisième degré de la Logique. Cela renforce l’impression <dans l’esprit> tant des choses que de nous-mêmes. La rétention peut être aidée de différentes manières, qui ne seront pas suffisantes cependant, si nous n’allégeons le fardeau de notre mémoire en écrivant, ce qu’il faut faire en prenant garde toutefois à ce que l’écriture ne devienne pas la nourrice de la négligence.
      • Chapitre XIX. On traite, à cette occasion, de la Diligence, qui est le soutien commun de la perception, du jugement et de la mémoire. On montre les moyens d’y inciter l’esprit. On décrit ses parties, ses offices, ses fruits. Enfin on conclut, que tous les préceptes de cette Logique ne tendent qu’à diriger nos pensées dans la connaissance et la découverte, par ses propres forces, de la vérité.
    • Logique. Seconde partie qui enseigne comment on peut expliquer ses pensées à autrui en accord avec la raison
      • Chapitre premier. De la première partie de la Logique génétique, qui forme nos pensées, on passe à la seconde ou herméneutique, qui enseigne à interpréter les pensées. On montre de multiples façons leur connexion, leur dignité, et leur utilité. On explicite les vertus de l’enseignant : la première est d’évaluer ce qu’on transmet avec la fin de la tradition, la seconde de considérer l’âge, les talents (ingenia) et les progrès, les siens et surtout ceux des auditeurs.
      • Chapitre II. La troisième qualité est de garder la méthode correcte d’enseignement, c’est à dire par une brièveté pleine et conforme aux choses et par la facilité de l’agrément, d’imprégner l’auditeur pour qu’il n’adopte pas les opinions vraies comme les fruits d’un esprit étranger, mais qu’il semble les concevoir et les accoucher comme siennes, personnellement. Observation générale sur le mode de transmission. Plus particulièrement ses diverses différences. Car la transmission se fait soit de vive voix, soit par écrit ; chacune a ses prérogatives. Ensuite, autre est la transmission didactique pour les ignorants et les plus dociles, autre l’élenctique pour ceux qui errent et pour les adversaires plus véhéments ; la première est préférable et plus honorable pour la sagesse de l’enseignant. Il y a encore une transmission acroamatique pour les auditeurs assidus, et une autre, exotérique, pour la foule mélangée. Ces deux là doivent être soit séparées soit conjuguées, en fonction de la diversité des talents. Cependant l’acroamatique est plus excellente, car sa vertu est d’enseigner, en même temps que la science, la manière de la découvrir.
      • Chapitre III. Afin que l’auditeur perçoive ce qui a été ainsi transmis et pour une raison particulière, l’attention est nécessaire ; le maître la met sur le même plan que l’objet de l’enseignement ; l’auditeur, lui, doit de manières appropriées examiner par son propre jugement ce qui lui est enseigné, poser des questions là dessus et, réciproquement, il doit être examiné et interrogé par l’enseignant.
      • Chapitre IV. Avec des esprits attentifs, nous interprétons ce que nous enseignons par le discours externe, dont la suprême vertu est la clarté procurée par des mots et des expressions adaptées aux choses et à la formation de l’entendement. S’ils font défaut, il faut en inventer d’autres ou en prendre d’ailleurs ; s’ils abondent, nous aurons meilleur choix ou nous compenserons, par plusieurs termes pris ensemble, ce qui fait défaut à l’un ou l’autre, en observant toujours la différence entre le discours philosophique et populaire.
      • Chapitre V. Plus généralement, ce qu’on dit du discours externe pour prononcer des choses simples est aussi applicable aux substances, aux attributs, particulièrement aux composés et relatifs, et à d’autres aussi, spécialement, pour que le discours externe réponde à l’interne.
      • Chapitre VI. Il faut exprimer les individus par un signe certain ou incertain ; que faut-il faire quand il manque un terme de genre et d’espèce ? quand faut-il user de termes généraux ou de termes particuliers ?
      • Chapitre VII. Dans la définition, soit de nom, soit de chose, sont requises, en général, la brièveté et plus encore la clarté de l’expression. Particulièrement pour exprimer par des termes apposés le genre prochain et la différence ; mais leur construction doit être adaptée à des termes communs au vulgaire ou propres aux disciplines.
      • Chapitre VIII. Il faut aussi étudier comment bien exprimer les divisions, qui, semblablement, sont ou de choses, consistant en deux ou plusieurs membres diviseurs, ou de mots, soit uniques soit conjoints.
      • Chapitre IX. L’ordre de la doctrine sépare les hétérogènes, unit les homogènes, tantôt divise par la considération (intuitus) des deux, tantôt compose les didactiques et les élenctiques, met en premier les plus communs et connus, y soumet les propres et plus difficiles et enfin lie le tout par les liens des transitions.
      • Chapitre X. Un thème complexe s’exprime plus correctement par deux mots, l’un pour désigner le sujet et l’autre pour le prédicat. De là naît la phrase énonciative et son opposée, la non énonciative : l’interrogative est extrêmement utile pour l’enseignement : elle comprend souvent transposition des parties, défaut ou redondance.
      • Chapitre XI. Un lien plus obscur des parties de l’énonciation est fort bien exprimé par la similitude qui convient bien à la chose à exprimer et à l’entendement de l’auditeur ; en raison de sa diversité, il faut la chercher tantôt dans les choses corporelles, tantôt dans les intellectuelles ou même dans les feintes. La comparaison consiste en protase et en apodose. La similitude est simple ou composée, et celle-ci, disjointe, continue ou transposée.
      • Chapitre XII. Quand on exprime un lien nécessaire ou contingent, on constitue une énonciation modale. Le dialecticien se sert des contingents et des probables pour débattre de certains sujets de façon catégorique ou sinon dubitative. Le philosophe se sert des nécessaires et souvent de paradoxes : l’un affirme avec réserve pour instruire des auditeurs dociles, et l’autre assure plus hardiment pour réfuter les opiniâtres. Ils sont ou communs à plusieurs disciplines, ou propres à chacune.
      • Chapitre XIII. La quantité de l’énonciation est déterminée par certaines marques, comme dans le syllogisme, ou n’est pas déterminée, comme dans les disciplines et les dialogues quotidiens. En se servant d’exemples particuliers, en premier lieu, et le plus souvent ; par des règles universelles, plus rarement, mais adaptées. Les attributs universels sont parfois appliqués à un sujet particulier, pour faciliter la connaissance ; l’instruction universelle et l’instruction particulière sont utiles lorsqu’elles sont confrontées entre elles, que l’une ou que l’autre vienne en premier.
      • Chapitre XIV. Cela suffit pour l’explication du thème complexe ; maintenant la preuve. Il est utile d’exposer les preuves, mais il n’est pas inutile parfois de les resserrer. Même chose pour les conclusions. Les abrégés de l’induction et du syllogisme. Le syllogisme en forme est à l’usage des disputeurs. D’autres négligent la forme par défaut des propositions, redondance ou transposition (trajectio). Le dialecticien use de syllogismes épars, l’Analytique de raisons enchaînées et s’intéresse à la diversité des intelligences par le retour didactique.
      • Chapitre XV. La question de la preuve varie en dialectique et en didactique ; chacune a besoin d’arguments différents. Ici on a un usage plus fréquent de la déduction à l’incommode, de la dispute ad hominem, de l’argumentation par concession, du syllogisme tentatif. Il y a trois genres de questions. Le syllogisme didactique est ou démonstratif ou spécifiquement didactique. Le dialectique est appelé topique.
      • Chapitre XVI. Un usage modéré de la dispute offre des avantages soit à l’opposant, soit au répondant ; un usage immodéré enveloppe plus d’inconvénients. La méthode à suivre dans la dispute, plus riche et plutôt en démontrant, pour des esprits absorbés. L’usage des thèses. Ce qu’il faut observer dans leur rédaction.
      • Chapitre XVII. Les arguments qui servent à prouver les thèses sont dits les uns inartificiels, quand ils sont tirés du témoignage humain, commun et propre ; les autres artificiels, quand ils sont pris des lieux grammaticaux, comme de l’étymologie, du nom, etc. ; logiques, quand ils viennent des universaux, de la définition, de la division ; métaphysiques, par exemple pris des causes, des effets, etc. Les limitations des règles topiques doivent être conservées dans l’analyse logique des auteurs, mais dans la genèse de la connaissance certaine, il faut considérer la nature de la chose même, puisque ces canons sont tous incertains, du moins dans l’application.
    • Logique. Troisième partie. De la recherche du vrai sens de la phrase obscure
      • Chapitre premier. Après avoir exposé en deux parties la logique génétique, il faut nécessairement ajouter qu’il y a une logique analytique. Qu’appelle-t-on analytique ici ? En premier lieu, on doit trouver dans cette analyse la recherche du sens vrai ; la logique doit traiter les préceptes pour le trouver et dire sommairement ce qu’ils sont.
      • Chapitre II. Dans la lecture des écrivains ce qui aide l’attention et la mémoire, ce sont l’analyse logique, l’index, l’épitomé, les recueils et les lieux communs. Ce genre de livres dérivés doit conduire aux livres originaires comme les ruisseaux aux sources et ne pas en éloigner ; car l’essentiel de la sagesse ne se tire pas de phrases isolées transcrites d’auteurs éminents mais de l’ensemble du discours ; il n’y a pas de meilleure aide pour comprendre un auteur que la lecture et l’écoute courantes qui doivent être unies toutes deux chez l’amateur du savoir : il ne faut pas cependant déployer une attention égale pour n’importe quel livre et il faut marquer d’un signe d’excellence ce qui est digne d’au moins trois lectures.
      • Chapitre III. Pour trouver le sens de la phrase, il faut d’abord considérer l’argument (ratio) de l’auteur qui s’exprime pour attribuer à chacun sa thèse selon la loi de justice. On le connaît soit de son écrit, soit d’un témoignage propre ou étranger, soit du titre s’il n’est pas faux. Il faut envisager ensuite vers quoi le propos se dirige et comment il convient de parler, eu égard à la personne d’un tel auteur.
      • Chapitre IV. Après avoir considéré les circonstances tenant aux personnes pour extraire le sens de la phrase, il faut encore être attentif à la matière dont elle traite, la fin et le but, l’intention du locuteur, sa langue et son style et enfin où et quand il parle.
      • Chapitre V. Après avoir vu rapidement les points précédents, l’interprète examine la phrase même et recherche d’abord les significations des termes isolés, en recourant aux arts philologiques, lexique, grammaire et rhétorique. On ne suppose pas de figure rhétorique (tropus) sans nécessité manifeste.
      • Chapitre VI. Ensuite, pour percevoir les significations des mots singuliers, l’interprète relie le sujet et le prédicat de la phrase ainsi que les antécédents et les autres conséquents et les passages parallèles : en outre il rapporte les mots soit à l’usage commun de ceux qui parlent correctement, soit à une discipline propre.
      • Chapitre VII. Enfin l’interprète doit examiner les diverses acceptions des termes singuliers : si le mot est pris matériellement ou formellement ; derechef s’il est significatif, consignificatif ou mixte ; ensuite s’il est reçu collectivement ou distributivement ; s’il est fini ou infini etc. ; lequel est univoque, analogue, équivoque ; la restriction et l’amplification des mots.
      • Chapitre VIII. De l’examen des mots isolés on passe à la considération de la phrase entière de sens unique, que les mots soient compris en acte signifié ou en acte exercé, que le sens soit divisé ou composé, identique ou formel, etc.
      • Chapitre IX. Pour faire connaître le sens de la phrase entière il faut considérer d’abord si et comment l’écrivain s’interprète lui-même, tout d’abord en s’en tenant au même passage puis en comparant les uns aux autres ceux qui traitent de la même chose ou d’une chose semblable, que ce soit de manière semblable ou non. Car des passages brefs et prolixes, généraux et particuliers, traités ouvertement ou juste abordés, s’apportent mutuellement la lumière de l’intelligence.
      • Chapitre X. L’auteur est interprète de ses paroles quand il traite de sujets dissemblables et contraires. Il faut le dégager, autant que possible, de la contradiction. En cas de contradiction patente, on doit estimer qu’exprime sa pensée le passage écrit plus tard ou certainement le plus important. Il ne faut pas lui attribuer un sens qu’il nie être le sien sauf s’il en est convaincu par d’autres arguments. Car il déclare aussi ses propos avec des faits et des gestes, de même qu’avec des conséquences qui en sont manifestement déduites ainsi que par le silence. Il faut faire taire une bonne fois les calomnies.
      • Chapitre XI. Un auteur qui doit d’abord être examiné lui-même, est également expliqué encore par d’autres : les critiques et les correcteurs, les disciples et les adversaires, les commentateurs, le traducteur (interpres) et enfin quiconque use de mots et phrases semblables.
      • Chapitre XII. Que l’auteur soit expliqué par lui-même ou par un autre, dans les deux cas il faut tenir compte des énoncés équipollents. Que faut-il observer sur les synonymes ? C’est le propre des calomniateurs de nier l’unité du sens en raison de la divergence des mots ; on juge que cette unité consiste dans les mots ou plutôt dans les choses.
      • Chapitre XIII. Les modes d’interprétation les plus généraux et les plus neufs sont de choisir dans les cas douteux les plus favorables, de parcourir toutes les raisons d’exposer, d’admettre plusieurs sens également vraisemblables de ne pas condamner sans juste cause et de ne pas poursuivre qui se trompe assez légèrement par une réfutation trop lourde.
      • Chapitre XIV. Par le moyen des préceptes absolus et généraux de l’interprétation, on recense les différences particulières des phrases à interpréter telles que : phrases propres et figurées, énonciatives ou non, parfaites ou imparfaites, exprimant ou cachant la copule, finies ou infinies ; comment reconnaît-on les négatives finies des affirmatives infinies, les définies des indéfinies, les simples des composées ; à partir de là, les conditionnelles, mais surtout les comparatives, exclusives, exceptives, restrictives, n’ont pas de marques d’exposition.
    • Logique. Quatrième partie. Dans laquelle les concepts, les définitions, les divisions, l’ordre des pensées, les jugements, les propos, les questions, les preuves et les disputes des hommes sont pesés au trébuchet de la droite raison
      • Chapitre premier. Après avoir perçu le sens de la phrase, reste encore à faire une autre Analyse : pour l’instituer, les préceptes de la Logique génétique ne suffisent pas, tant sa nécessité est grande dans la résolution des pensées, les siennes et celles d’autrui, et des propos humains et divins. Dans quel esprit faut-il aborder cette analyse, pourquoi on l’appelle spécifiquement Analyse logique et quel ordre faut-il observer quand on traite de ses préceptes et de ses exemples.
      • Chapitre II. D’où vient la diversité des opinions ? Pourquoi les choses nécessaires sont elles ignorées de bien des gens qui n’ignorent pas autre chose ? Pourquoi ceux qui pensent trop vite à la pratique sont-ils plus ignorants ? Les parents font ils bien de contraindre leurs fils à certaines études ? Pourquoi certains se proposent-ils des tâches trop médiocres ? Pourquoi dans l’AT, l’âge mûr est-il requis pour la charge de Lévite ? Pourquoi les mots ne répondent-ils pas aux choses ? Pourquoi la Logique est elle ordinairement stérile ? Les Anciens ont-ils pensé correctement dans la célébration de la Ste Cène en s’écriant Elevons nos cœurs ! Pourquoi les ignorants sont ils meilleurs que les savants pour persuader les ignorants ?
      • Chapitre III. Le simple n’est pas bien dénoté par un mot composé ni le composé par un mot simple. Ainsi Homme est mal exprimé, et c’est pire pour vue, ouïe etc. Que penser des noms d’ange et esprit ? L’élégance du discours externe et la rectitude du discours interne ne vont pas toujours de pair. Le Logicien analytique s’occupe nécessairement des vocables, mais autrement que le philologue.
      • Chapitre IV. Positif et négatif sont bien distingués dans les termes : pie, impie ; mal dans : rationnel, irrationnel ; très mal dans : mortel, immortel. Racine de cette dernière confusion et de son fruit pervers. Mortalité et finitude sont en fait des attributs négatifs, immortalité et infinitude sont positifs. Inversement pouvoir mentir, pouvoir mourir nient une puissance et ne la posent pas
      • Chapitre V. La principale source des erreurs se manifeste en ceci : les hommes conçoivent quelque chose dans les choses pensées et extérieures avec la qualité et quantité qui se trouve en eux-mêmes qui pensent et dans les choses qui les concernent. Ceci est affirmé à l’aide d’exemples pris d’abord des choses qui sont de l’âme seule, puis de celles qui sont du corps seul, enfin de celles qui sont à la fois de l’âme et du corps, par exemple de l’appétit, de l’affect, du sens interne et des cinq sens externes ; enfin de celles qui nous sont propres et nous concernent.
      • Chapitre VI. Faussement, le péché est attribué à un homme de l’art. Faussement l’action d’illuminer est assignée à la lune comme au soleil. Faussement est abstraite la notion d’animal et sa définition est fautive. La notion de vie est trop vague et indéterminée, qu’elle soit prise physiquement ou métaphysiquement. Il faut juger de même de la notion d’âme (anima). La généralité trop lâche et obscure de ces deux termes a introduit en physique un fatras de questions inutiles.
      • Chapitre VII. Dans la définition, on examine d’abord s’il y a des choses nécessaires du point de vue de la chose ou du mot, puisque ceux qui définissent pèchent, les uns par défaut, les autres par excès. Ensuite, si elle est claire et évidente, ce qui manque à la définition citée de l’homme ; si elle dévoile suffisamment la nature de la chose par l’assignation du genre et de la différence (ce qui n’est pas le cas dans la définition de l’homme) et y est adéquate et enfin si elle possède la brièveté et les autres vertus qu’on trouve dans la définition de Dieu, non dans la définition courante de l’homme, bien que, dans la logique génétique, elle ait été prise comme exemple pour des lecteurs qui y étaient habitués.
      • Chapitre VIII. On montre, par l’exemple de la distinction des choses en pensantes et étendues, comment on doit faire l’analyse de la division ; on cherche d’abord si cette division est nécessaire ; ensuite si elle est correctement posée par ces mots matérielles et immatérielles, corporelles et incorporelles ; comment ces expressions ont été écartées par les philosophes et retenues par les jurisconsultes ; si elles sont correctement exprimées par ces mots : corps et esprits (spiritus), ou par ceux là : sensibles et insensibles, visibles et invisibles, intelligibles et imaginables ; enfin comment s’opposent les membres qu’on doit diviser, si la division est adéquate ; si les choses pensantes sont bien dénotées par le mot d’actives et les choses étendues par celui de passives et si ce sont vraiment des choses.
      • Chapitre IX. Traiter les sciences par de simples définitions et divisions, cela les Anciens ne l’ont pas soutenu et la Logique n’y est pas favorable. Cela ne convient pas à la nature de l’âme (mens) humaine qui apprécie le raisonnement et l’exercice de toutes ses facultés ; sans se contenter de la simple appréhension de définitions strictes et de divisions, elle désire une explication plus féconde des choses et des thèses et un lien plus solide et plus naturel.
      • Chapitre X. On rejette la manière de traiter les disciplines par de simples disputes. Le développement par lieux communs de causes, d’effets vient après la méthode historique. Dans quel ordre faut-il tenir le plus grand compte de la connexion ? Les discours du Christ suivent parfois l’ordre des pensées de ses auditeurs. Il faut considérer non seulement pourquoi l’auteur traite cette question de telle façon en ce lieu mais encore pourquoi il néglige ce point ou ne l’effleure qu’en peu de mots.
      • Chapitre XI. Dans l’analyse des énoncés, on tient compte principalement du vrai et du faux et on considère leurs causes. Les causes des erreurs dans les hommes singuliers sont les affects et les impulsions de l’âme qui se précipite, les mauvaises dispositions (habitus), en un mot, la négligence de l’équilibre entre perception et jugement ; dans la société des hommes, leur différence mutuelle, le fait qu’ils enseignent à des étudiants et que ceux ci leur donnent en retour occasion de se tromper.
      • Chapitre XII. On examine la vérité et la fausseté, leurs degrés dans les énoncés, tout d’abord dans les énoncés simples où cet énoncé : rien n’est dit qui n’ait déjà été dit est saisi être faux s’il porte sur ce qui peut et doit advenir ; mais il est vrai de façon contingente si on l’entend sur ce qui a coutume d’arriver ; cet autre énoncé : Dieu existe nécessairement a une certitude physique et morale et il vaut, à sa façon, de omni, il a aussi une certitude métaphysique et il est par soi et d’abord universellement et donc il est plus nécessaire que celui ci : le binaire est pair ; ensuite <on examine le vrai et le faux> dans les énoncés composés c’est-à-dire conjonctifs, hypothétiques, disjonctifs.
      • Chapitre XIII. On examine cette notion commune La cause ne donne rien à l’effet qu’elle n’ait pas et on demande premièrement les différentes façons de l’exprimer ; ensuite, comme elle s’applique particulièrement à la cause qui fait être ce qui n’est pas (ad causam efficientem esse quod non est) ; à la cause qui élucide ce qui est obscur ; à la cause qui fait connaître quelque chose, qui enseigne, qui prouve, qui transfère un droit sur autrui, qui communique un affect à autrui, qui meut physiquement, qui porte du fruit et enfin à la cause exemplaire. On pose en même temps le fondement de cette démonstration qui montre que Dieu existe par l’argument suivant : nous pouvons penser à l’étant suprêmement parfait.
      • Chapitre XIV. L’examen analytique de l’argumentation commence par la considération de la question. Il faut voir de quoi il est question, ce qu’on cherche ; si cela porte sur tout ou sur un sujet seulement ; si un tel attribut se trouve dans le sujet par soi ou par accident ; s’il l’est universellement premier ou d’abord dans un autre ; simplement ou relativement, secundum quid ; si et pour quelle raison, il faut douter et chercher ; si la question doit être comprise en sens divisé ou en sens composé ; si elle est une et simple ou multiple ; en quel lieu et temps, dans quel but et même par qui elle est proposée et quel genre de preuve elle exige.
      • Chapitre XV. Dans l’examen de la preuve, il faut distinguer l’argument des parties de la question et surtout rechercher si les prémisses sont vraies ou fausses, adaptées à la conclusion, plus connues qu’elle, liées à elle et comment ; de l’incompétence de ceux qui confondent les raisons de tout genre ou transposent d’un genre à l’autre, amènent des causes trop générales et trop éloignées, se réfugient aussitôt dans le miracle ou argumentent à partir du nom ou de l’espèce qui leur semble ; ou qui ne discernent pas entre un lien physique et métaphysique, entre des relations d’origine, de similitude, de différence. Il faut penser non seulement aux raisons dites mais encore à celles qui sont tues.
      • Chapitre XVI. Dans l’analyse dialectique, c’est lefait de l’opposant de s’opposer correctement là où il y a une opposition contraire et tout àfait contradictoire, puis de prouver correctement ; c’est lefait du répondant d’examiner si l’objection est convenable, comment elle a été prouvée ; de distinguer plus souvent que de nier, de renvoyer des choses égales aux égaux, de resserrer les règles générales.

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